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La gestion «optimale» de la ressource en eau : entre l’inefficacité et l’irrationalité

D. Aimane Wail
LERMA-FLSH
UCA . Marrakech

Face à une pénurie exponentielle de la ressource en eau, l’État s’est donné pour mission de réglementer l’utilisation de cette ressource. Pour limiter la surexploitation et réguler les usages, l’ABHT, régulateur de la ressource en eau dans le cadre de la loi sur l’eau, utilise différents instruments d’action publique. Ces instruments ou méthodes de régulation sont classés en instruments dits « administratifs », qui reposent essentiellement sur l’élaboration et l’application de normes et de règles, et « économiques », fondés sur des mesures incitatives.

Les outils appelés “administratifs” reposent sur des systèmes d’autorisation et d’interdiction, pour réguler l’accès d’un individu aux ressources. Sur ce point, et bien qu’il y ait eu de nombreuses réglementations et mesures de renforcement de la réglementation, elles n’ont pas eu un grand effet sur la surexploitation, notamment pour les eaux souterraines. Cela est causé par le retard dans la promulgation d’un certain nombre de décrets et d’arrêtés, la non-applicabilité des dispositions légales sur la restriction et la répression de la fraude (installation de compteurs et fermeture illégale de forages), la paralysie du contrôle c’est-à-dire la police de l’eau, et la complexité des procédures de demande d’autorisation d’usage. Ce dysfonctionnement des contrôles affecte le pouvoir de régulation des ressources dont dispose l’Autorité du Bassin qui a décidé, sans grand succès, un moratoire formel sur les creusements au Haouz .
Cependant, et pour faire face à cette situation de surexploitation, un nouvel outil de gestion a été activé par l’Agence de bassin et qui concerne le Contrat de nappe, qui est un outil administratif puisqu’il est signé par les différents partenaires pour avoir sa force d’application. Ensuite, cet outil donne plus de poids décisionnel aux utilisateurs de l’eau étant donné qu’ils sont les plus concernés.
Les mesures dites « économiques » visent à inciter les usagers à prendre en compte les externalités générées par leur usage afin de concilier « optimalité individuelle et collective ». Ces mesures sont mises en œuvre sous forme de tarification de l’eau et de subventions pour encourager et motiver les usagers à utiliser l’eau de manière rationnelle et durable. À ce stade, encourager les économies d’eau au niveau de l’exploitation est également inefficace pour un certain nombre de raisons. Certes, dans bien des cas l’impact de la tarification est annulé par le fait qu’elle n’est pas volumétrique, au Haouz, et surtout dans la zone d’étude, la tarification est volumétrique au niveau individuel et les systèmes sont « à la demande ».
Face aux limites auxquelles sont confrontés les instruments administratifs et/ou économiques, et afin de répondre à la demande en eau des différents secteurs d’activité économique, les institutions chargées de la gestion de la ressource, ABH en particulier, font face à diverses contraintes, notamment en termes de gestion de la demande . Par conséquent, les options politiques sont regroupées sous le concept de « gestion de la demande » comprenant des interventions techniques visant à réduire les pertes d’eau grâce à la réutilisation des eaux usées, la micro-irrigation, l’amélioration de l’efficacité du transport de l’eau, et plus encore le transfert du réseau de distribution d’eau, etc.

Le projet fonctionne actuellement avec un volume d’utilisation d’environ 20 Mm3/an, capable de générer de l’eau « renouvelable et alternative ». Certains golfs, bien qu’existants, n’ont pas tenu leur engagement d’utiliser de l’eau traitée, compte tenu de son prix (2,5 dh/m3)

Prenons le cas du traitement et de la réutilisation des eaux usées de la ville de Marrakech. Cette stratégie signifie, à partir de ce qui devrait être réglementé, fournir plus d’approvisionnements, réduire les pertes d’eau avec une qualité réduite. Il s’agit d’un double avantage, notamment au niveau environnemental : il permet à la fois d’éviter la pollution de l’environnement et de répondre aux besoins en eau des industries les moins exigeantes. Prenons le cas de l’industrie du tourisme, par exemple, où les décideurs mettent en œuvre un projet d’irrigation de terrains de golf grâce à la réutilisation des eaux usées municipales traitées, en remplacement des eaux souterraines que les terrains de golf utilisent initialement. Le projet fonctionne actuellement avec un volume d’utilisation d’environ 20 Mm3/an, capable de générer de l’eau « renouvelable et alternative ». Certains golfs, bien qu’existants, n’ont pas tenu leur engagement d’utiliser de l’eau traitée, compte tenu de son prix (2,5 dh/m3).
Cependant, cette expérience devra être généralisée dans tout le bassin de N’fis, pour faire profiter toutes les régions d’une ressource fiable et pérenne mais aussi de réduire la pollution que peut générer les rejets des eaux usées épurées non traités en plus bien entendu de la réduction de la pression sur la nappe d’eau souterraine ou sur les eaux de surface à partir des barrages.
Cette image de « solution optimale » absorbe une seconde réalité, cette fois-ci d’ordre social, plus complexe à mettre en éclairage : la réallocation de l’eau d’irrigation pour l’alimentation en eau potable lors des périodes de sécheresse et de forte demande en eau.
De plus, dans le secteur agricole, des systèmes de la micro irrigation ou à goutte à goutte ont également été développés pour aider à économiser l’eau. Sur une base purement technique, le programme estime que les systèmes d’irrigation localisés ont un taux d’efficacité important de près de 90% contre 50% pour les autres systèmes d’auto-irrigation. Leur généralisation permet alors d’éviter les “pertes” importantes que peuvent générer les systèmes de surface, par infiltration et évaporation.

Cependant, la rhétorique sur l’économie d’eau et l’augmentation de la productivité est remise en question par un certain nombre de considérations techniques, ainsi que par les observations de la dynamique des champs. Le passage à l’irrigation localisée a dans certains cas conduit à une activité agricole plus intensive, et finalement à une plus grande consommation d’eau.

4. Le défi environnemental : les terres et les eaux face à l’enjeu de la durabilité
Nous n’imaginons pas un développement territorial durable et performant sans intégrer une composante importante : l’environnement. Ce dernier subit également plusieurs contraintes au niveau de la zone d’étude. Le changement climatique continue toujours à occasionner des impacts considérables sur les ressources en terres et en eau, et suscite de ce fait des enjeux importants en termes de performance de la production agricole et de la sécurité alimentaire. En effet, la variabilité croissante des précipitations et la fréquence élevée des sécheresses enregistrées ces dernières années sur l’ensemble du périmètre du N’fis seraient de nature à réduire les disponibilités en ressources hydriques, ce qui se répercutent négativement sur les potentiels de rendements agricoles.
Par ailleurs, la pression démographique prend part aussi dans la dégradation de l’environnement. Ceci se traduit de façon générale par la surexploitation des sols et des eaux, par la fragmentation des exploitations et par l’expansion horizontale de l’agriculture par défrichement des pentes montagneuses, des forêts et même de parcours. La sécheresse récurrente a d’ailleurs accusé la raréfaction de ces ressources et a favorisé la dégradation. L’agriculture est en général restée peu ou très moyennement productive.
Le N’fis dispose d’un potentiel naturel marqué par une ressource fragile menacée de dégradation rapide, notamment en cas de surexploitation. Biologiquement, le sol est très vulnérable et largement érodé. Les forêts déclinent rapidement et les ressources en eau se font de plus en plus rares. Ainsi, les catastrophes naturelles constituent une menace réelle sur le territoire.
Comme il n’y a pas de planification à long terme des plans d’urgence et de protection, on peut conclure que le développement futur de l’environnement n’est pas très durable. Seule l’option de développement, qui intègre la composante environnement dans toutes ses phases, peut résoudre à terme une partie des problèmes posés.

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